Cherchez l'intrus :

• Aline est active sur le marché des devises (que, comme tous les gens cools, elle appelle FX ou forex) ;
• Bernard parie sur l'indice CAC40 avec un fort effet de levier ;
• Corinne vend des actions à découvert ;
• David investit dans des fonds indiciels largement diversifiés ;
• Émilie est active sur le marché de matières premières (qu'elle appelle commodities) ;
• Fabien achète des produits dérivés, notamment des options.

Comment comptez-vous gagner de l'argent ?

La hausse de la bourse sur le long cours vient de la croissance de l'économie : le prix des actions monte parce que leur valeur intrinsèque augmente. Mais à plus court terme, les choses sont différentes. Si vous pensez que les actions ou l'immobilier vont bientôt monter, vous en achetez pour bénéficier de cette hausse de prix ; et si tout le monde s'attend à une hausse tout le monde achète, ce qui fait fortement monter les prix (à cause d'une forte hausse de la demande). Quand on pense que les prix ont trop augmenté, on vend et les prix chutent. Les variations à court ou moyen terme viennent ainsi de phénomènes d'ordre psychologique — le prix des actions ou des biens immobiliers s'envole sans que leur valeur ne croisse forcément beaucoup. Ça signifie aussi que si vous vous précipitez pour investir de peur que les prix ne montent si vous attendiez quelques mois, vous devez vous demander si vous n'êtes pas au cœur d'une bulle spéculative.

À long terme, les actions et l'immobilier rapportent donc de l'argent sans qu'on ait besoin d'énormément de chance, de talent, ni de temps à leur consacrer. Pour gagner de l'argent à court terme en revanche, il faut acheter et vendre au bon moment. C'est ainsi qu'on distingue souvent l'investissement de la spéculation : mise-t-on sur la croissance pérenne de l'économie ou bien sur des phénomènes éphémères ? Gagne-t-on de l'argent parce que l'économie croît ou bien grâce à une hausse précaire des cours ?

Parmi nos personnages ci-dessus, à long terme, Aline ne gagnera pas forcément d'argent, Bernard ne dormira pas beaucoup et finira peut-être ruiné, Corinne perdra de l'argent (à moins d'être un petit génie de la finance), David gagnera de l'argent sans perdre le sommeil, Émilie maintiendra à peu près son pouvoir d'achat et Fabien perdra de l'argent.

Qu'est-ce que ça veut dire en pratique ?

Indépendamment de toutes les critiques politiques contre la spéculation, il faut vous demander comment vous envisagez de faire fructifier vos économies. Cherchez-vous juste à participer à la croissance au long cours des actions et de l'immobilier ou bien comptez-vous sur la chance ou vos dons de financier ?

La spéculation prend du temps, coûte de l'argent, et tout le monde ne peut pas gagner. Étudier les informations économiques et financières et éplucher les comptes des entreprises prend du temps, coûte de l'argent (abonnements à des magazines ou sites internet par exemple) et nécessite des compétences économiques et financières que tout le monde n'a pas. Contrairement à l'investissement, la spéculation sera toujours limitée à une minorité.

Ce qui est moins évident en revanche, c'est de savoir si cette minorité est sûre de gagner plus que l'épargnant lambda. Soient un investisseur (I) et deux spéculateurs (S1 et S2) sur un marché boursier avec deux entreprises, A et B (c'est un tout petit pays). S1 mise 10 000 € sur A et S2 10 000 € sur B, alors qu'I investit 5 000 € dans chacune. Disons que le cours de A augmente de 15 % en un an et celui de B ne change pas. I a gagné 15 % × 5 000 € + 0 % × 5 000 € = 750 € (soit 7,5 % de son capital initial de 10 000 €), S1 le double et S2 rien. Un spéculateur a gagné plus que l'investisseur et l'autre moins. Ça n'est pas un hasard : c'est toujours comme ça. Quand un spéculateur gagne plus, un autre spéculateur doit gagner moins. L'investisseur prend sa part légitime du gâteau, et les spéculateurs essaient d'obtenir plus, et sur qui prennent-ils une plus grosse part  les autres spéculateurs, pas les investisseurs.

août 2015