Les calculs de bilan carbone deviennent de plus en plus courants. On fait aussi des bilans en matière d'eau et on pourrait en faire pour des matières premières telles que le pétrole ou les métaux par exemple. Or il existe une grande différence entre l'eau et les autres.
Pour savoir combien de pétrole a été consommé pour produire 1 kg de bœuf, on ajoute la consommation de l'éleveur, la consommation des agriculteurs produisant la nourriture des bêtes, le transport, la réfrigération, etc. Plus on va loin dans les calculs plus la quantité de pétrole sera grande ; mais les chiffres seront de plus en plus petits donc un calcul plus détaillé donnera peut-être un chiffre 20 % plus élevé qu'un calcul rapide et un calcul exhaustif disons 10 % supplémentaire.
On est sûr que le chiffre qu'on obtient est fini car la somme des consommations pour toutes les activités humaines (agriculture, industrie, services, transports, chauffage, etc.) doit être égale à la production de pétrole.
Mais ça n'est pas le cas pour l'eau. On compte la même molécule d'eau plusieurs fois dans les calculs, si bien que la consommation totale d'eau peut très bien être très supérieure à l'eau douce disponible sur Terre (sans que ceci ne nous dise quoi que ce soit d'utile). Donc il n'y a aucune certitude qu'un calcul plus détaillé (ajoutant de plus en plus de consommations indirectes) s'arrête un jour (mathématiquement : on ne peut être sûr que la série converge). On peut donc produire des chiffres de consommation totale d'eau aussi énormes qu'on veut avec suffisamment d'huile de coude. Pour la propagande c'est parfait, pour l'information c'est parfaitement absurde.
La notion de consommation d'eau est assez floue parce qu'elle peut être de différentes natures. Par exemple :
Quand on dit que la production d'un kilogramme de viande de bœuf ou d'un T-shirt en coton consomme tant de centaines de litres d'eau, c'est une consommation dans quel sens ? Aux sens 1 et 2, 1 kg de quoi que ce soit ne saurait guère contenir que 1 kg d'eau. Le sens 3 est qualitatif (ou bien quantitatif au sens des polluants : combien de nitrates déversés plutôt que combien d'eau consommée). Le sens 4 n'est guère intéressant : un pont sur un fleuve consomme énormément d'eau, mais on ne va pas détruire des ponts pour ça.
De plus les chiffres sont toujours des totaux annuels, qui ne tiennent pas compte des saisons. Tout comme les panneaux photovoltaïques produisent de l'électricité surtout en été (le moment où on en consomme le moins en Europe), certaines plantes consomment de l'eau quand elle est le plus rare. Le maïs consomme peut-être moins d'eau que le blé ou le tournesol sur l'année (en bon C4 il est relativement efficace), mais il en a besoin en été, quand il n'y en a pas. C'est pourquoi il doit être irrigué alors que le blé et le tournesol se contentent d'eau de pluie (ce que peuvent constater tous ceux qui comme moi vivent dans le Sud-Ouest de la France).