Il existe un parallèle entre l'évolution des placements financiers et l'évolution des voitures. Aux temps des premières automobiles, il fallait des connaissances en mécanique parce qu'il n'était pas rare de tomber en panne en rase campagne. De même il fut une époque où les investisseurs devaient avoir des connaissances économiques et financières et savoir comprendre les comptes des entreprises pour pouvoir investir. Ces deux époques sont révolues. Aujourd'hui, un automobiliste peut très bien ne pas comprendre comment marche l'ABS ou l'injection directe, ne guère consacrer de temps à sa voiture, et pourtant conduire sans encombre. Et un investisseur peut avoir des connaissances techniques limitées et ne guère consacrer de temps à ses placements (grâce aux OPCVM, SICAV, ETF et autres sigles).
De nos jours, beaucoup de boursicoteurs font encore ça « à l'ancienne ». C'est d'une part parce que c'est un passe-temps pour eux (dîtes à un féru de mécanique qu'il serait plus simple de faire entretenir sa voiture par un garagiste, et il vous dira que vous n'avez rien compris). Mais c'est aussi par habitude : ceux qui ont toujours fait comme ça ont du mal à changer eux-mêmes, et ont aussi tendance à influencer les nouveaux investisseurs dans la même direction. Or les néophytes qui débutent aujourd'hui peuvent très bien commencer dès le début avec des techniques modernes (et y ont tout intérêt).
L'analogie entre investissement et automobile va plus loin aujourd'hui : on a désormais des voitures et des placements financiers qui savent conduire tout seuls. Ces derniers sont appelés robo-advisors en anglais (et robo-advisors en français) ; ils font partie de la vague actuelle de fintech (finance + technologie). Non seulement vous n'avez plus besoin de connaissance en mécanique ni de mettre les mains dans le cambouis pour avoir une voiture, mais bientôt vous n'aurez même plus besoin de savoir conduire. (Ceci dit, avec les placements financiers comme avec les voitures, savoir un peu conduire permet quand même de savoir si tout se passe comme prévu.)
La première révolution en matière de placements financiers (et notamment de placements boursiers) a été l'introduction des fonds diversifiés (en particulier des ETF) qui permirent d'investir d'un coup dans des centaines d'entreprises, offrant ainsi une meilleure diversification que l'achat d'actions individuelles, sans avoir à y consacrer de temps, sans avoir besoin de compétences économiques et comptables, et à un coût inférieur. La deuxième révolution sera peut-être technologique (il est plus facile de reconnaître une révolution rétrospectivement que quand elle a lieu).
La première a permis de ne plus s'occuper de tactique pour se concentrer sur la stratégie : quels sont mes objectifs et mes contraintes ? et quelle allocation d'actifs vais-je en conséquence choisir ? Une fois l'allocation déterminée, on peut choisir quelques fonds bien diversifiés et à bas coût (pour les minimalistes, un en actions et un en obligations est une solution tout à fait satisfaisante), et ensuite il ne reste guère plus qu'à attendre sagement (ce qui n'est certes pas toujours le plus facile).
Mais il reste quand même initialement à l'investisseur à s'occuper de stratégie. Ça demande un certain investissement en temps et une certaine implication au départ (mais une fois la stratégie en place, on n'a plus besoin de trop y consacrer de temps). Et tout le monde ne se sent pas capable de le faire. On peut toujours s'adresser aux banquiers et aux assureurs, mais (à moins d'être millionnaire) on a affaire à des vendeurs à la commission et non à des conseillers impartiaux. Les robo-advisors visent à automatiser le conseil, à être des robots conseillers (advisor désigne un conseiller en anglais) vous épaulant dans le choix de votre stratégie. La première révolution a fait disparaître le besoin de choix tactiques, et la deuxième cherche à vous simplifier vos choix stratégiques.
août 2015