Pièges dans le choix d'un gestionnaire de fonds
En plus des frais élevés, l'investisseur en gestion active doit faire face à de nombreux écueils. (Quand je parle de « fonds », il s'agit d'OPCVM, de SICAV, de FCP, d'unités de compte.)
Les performances passées
- Les nouveaux fonds — il est difficile de juger si les bonnes performances d'un nouveau fonds qui n'existe que depuis quelques années sont dues au talent du gestionnaire ou à la chance : obtenir pile trois fois d'affilée ne prouve pas que vous êtes doué pour tirer à pile ou face.
- Les changements de gestionnaires — un problème lié au précédent est que la performance passée que vous voyez peut être celle du précédent gestionnaire : il n'y a aucune certitude que l'actuel soit aussi bon. C'est comme quand un restaurant change de propriétaire : vous aimiez la cuisine du précédent, mais que vaudra le nouveau ?
- Les pépinières — certaines sociétés financières donnent quelques millions d'euros à plusieurs gestionnaires de fonds, et après quelques années ils gardent ceux qui ont eu la meilleure performance et vantent leurs résultats. Sur huit gestionnaires, en moyenne un va gagner à pile ou face trois fois d'affilée : devriez vous être impressionné quand la société vendant le fonds vous dit qu'un de ses fonds, avant d'être disponible publiquement, a battu le marché trois ans d'affilée ?
- L'histoire écrite par les vainqueurs — plus généralement, les fonds disponibles sont plutôt ceux qui ont réussi (survivor bias), les autres ont été fermés ou ont fusionné ; si les trois quarts des fonds que vous voyez ont une meilleure performance que l'indice sur dix ans, rappelez-vous que ce sont les trois quarts des fonds encore disponibles, pas les trois quarts des fonds qui existaient il y a dix ans.
- La bonne performance isolée — un fonds peut avoir rapporté beaucoup une certaine année il y a huit ou neuf ans, si bien que quand vous regardez sa performance sur dix ans elle semble bonne. Mais si vous regardez les cinq dernières années, le fonds peut avoir fait moins bien que l'indice. La bonne performance sur dix ans ne vient donc que d'une année : investir dans ce fonds revient à parier que ce miracle se reproduira bientôt.
- La divergence d'intérêt — ce qui est mieux pour vous n'est pas forcément mieux pour le gestionnaire du fonds (par exemple les frais de gestion élevés sont là pour lui, par pour vous). Une décision qui est bonne pour vous à long terme peut être néfaste au gestionnaire à court terme, si bien qu'il la rejettera.
Comprendre les chiffres
Quand on regarde la performance d'un fonds par le passé, il faut faire attention à ne pas se tromper sur le sens de ce qu'on voit :
- Absence de référence — si on vous dit que 10 000 € investis dans tel fonds il y a quinze ans vaudraient aujourd'hui 25 000 €, vous devez vous demander quel mérite a le fonds : si les marchés ont globalement triplé sur la période, cette performance est peu impressionnante.
- Performance de l'indice sans dividendes — avec les actions, on gagne de l'argent parce que le cours monte et grâce aux dividendes ; les indices
boursiers ne tenant généralement pas compte des dividendes, comparer un fonds dividendes réinvestis à un indice hors dividendes surestime fortement la performance du fonds.
- Indices de référence de complaisance — les fonds comparent leurs performances à un indice ; pour que ceci vous donne vraiment des informations, l'indice doit être approprié : savoir qu'un fonds a fait mieux qu'un indice qui n'a rien à voir ne vous donne aucune information utile.
août 2015